La Maison d’arrêt de Seysses est à présent tristement célèbre. Les appels au secours et à la mobilisation lancés par des familles en colère commencent à résonner. C’est notamment l’émission et le journal « L’envolée » qui porte ces voix. Les faits sont à présent de notoriété publique : les surveillants de la maison d’arrêt de Seysses profitent d’un rapport de force inégal pour s’adonner à des pratiques de torture, le nombre de « suicides » y est particulièrement élevé.
Les récits remontent depuis une dizaine d’années : l’utilisation d’une technique de combat plonge le détenu dans le sommeil. Il se réveille alors nu et se fait rouer de coups par une équipe de matons. Chauffage, électricité et eau régulièrement coupés, les conditions de détention sont alarmantes. Les matons sont en roue libre et rien ne semble pouvoir les arrêter.
Le lieu de ces sévices est en particulier la zone d’isolement de la maison d’arrêt, zone dans laquelle il n’y a aucune caméra. Partir en isolement, en plus d’être psychologiquement difficilement soutenable, signifie, dans cette prison, également risquer sa vie. La peur règne parmi les prisonniers, et seules les familles et leurs soutiens ont les moyens de faire cesser et de dire ce qui se passe. Toujours en veillant à ce que cela ne se retourne pas contre leurs proches enfermés.
Les familles font également les frais de surveillants qui abusent de leur position de pouvoir, refusant notamment sans motifs valables les parloirs (certes, c’est une pratique répandue, les modalités de son exercice varient, mais à Seysses, elles sont particulièrement autoritaires).
Cependant, ces familles s’organisent et ne veulent plus vivre dans la peur de ne plus revoir leurs proches enfermés, ou de les savoir molestés et vivant dans l’angoisse. L’administration pénitentiaire est informée, la direction de la prison ne réagit pas, l’omerta règne. Les familles en colère se constituent actuellement en association, car la lutte s’annonce longue et épuisante, une lutte qui bien trop souvent finit par épuiser ceux qui réclament simplement que cessent les abus de pouvoir et les actes avérés de torture. Ce qui les attend, ce sont aussi des actes de tortures, celles-ci psychologiques, lentes et pernicieuses, celles d’une administration qui couvre, et ce, jusqu’au sommet de l’État.
La contrôleure générale des lieux de privation des libertés a été prévenue. Nous serons vigilant.e.s à ce qu’elle et son équipe se rendent rapidement sur les lieux et rencontrent les familles qui tirent cette sonnette d’alarme.
Nous serons vigilant·e·s à ce que les fonctionnaires visés par ces accusations ne soient pas simplement mutés, mais qu’ils soient interdits d’exercer, et qui sait, ce dont on peut douter, condamnés par la justice.
Cette situation révèle à quel point police, administration pénitentiaire, administration gouvernementale et justice forment un tout solidaire. Une solidarité qui va jusqu’à laisser perdurer des situations inhumaines dans les usines de production soumises aux impératifs du capital, et leur prolongement, les prisons.
Face à cette solidarité, nous n’avons que la nôtre, mais la nôtre est alimentée d’une colère et d’un sentiment d’injustice qui s’éteignent bien moins vite qu’une éphémère unité de classe.
Notre classe n’existe que tant qu’elle est solidaire, alors que la leur dispose de moyens qui rendent superflue la solidarité. C’est l’ensemble de leur classe qui torture et cautionne ces actes. Ces actes, ce sont ceux aussi dont sont victimes les sans-papiers chassés chaque matin au petit jour dans les alentours de Calais, ce sont les procédures judiciaires à l’encontre des militant·e·s politiques dans ce pays, et finalement, la machine pénitentiaire infernale qui broie et écrase l’espoir et les femmes et les hommes. C’est pour cette raison que nous exprimons tout notre soutien au collectif des familles en colère des détenus de Seysses, que nous soutiendrons leur lutte aussi longtemps qu’elles la mèneront. C’est pour cette raison que nous sommes solidaires de toutes les victimes d’un régime répressif qui n’est que l’auréole d’une société d’exploitation. Parce que notre unité solidaire est une arme redoutable, elle est une arme qui a une portée universelle.
Puisque la classe des prolétaires, quand elle aura libéré l’ensemble des classes en les abolissant, n’aura pas à user de moyens de domination pour se maintenir. Seule une classe qui doit dominer est assurée que sa domination prendra fin. Seule l’abolition de toutes les formes d’exploitation et de domination, par un communisme radical, peut nous assurer que de tels actes n’existent plus, durablement. Seul le prolétariat a cette portée universelle, il est « une classe avec des chaînes radicales », une classe qui est « la dissolution de toutes les classes », qui ne revendique pas de « droit particulier, parce qu’on ne lui a pas fait de tort particulier, mais un tort en soi ».