Lier les luttes sectorielles à la lutte générale, avancer vers la grève avec occupation !

Occupation d'usine à Bologne en 1920

Le mouvement initié le 5 décembre 2019 face aux mesures gouvernementales de baisse massive des pensions de retraites est inédit par sa durée comme par l’hétérogénéité de ses formes.

La grève, explosive par maints aspects, de la RATP et de la SNCF, a été le moteur initial de la mobilisation. Elle s’est diffusée dans un grand nombre de secteurs professionnels soit sous la forme de grèves organisées – soit par la décision, prise individuellement, de dizaines de milliers de travailleurs.ses de se joindre aux journées d’action appelées par l’intersyndicale nationale.

La lutte est née comme une résistance de divers secteurs du mouvement ouvrier à la mise en cause de l’un des cœurs du compromis tissé entre les classes en 1945 – l’existence de caisses de sécurité sociale délivrant des « prestations définies ». Mais cette résistance à la mesure gouvernementale a infusé dans des compartiments beaucoup plus larges de la société ; elle a gagnée, au-delà de l’opinion ouvrière, de larges pans de l’« opinion publique » ; et aggravé la crise politique qui traverse le pays.

Le moment de survenance du mouvement n’est pas anodin. Au plan international, les crises d’instabilité révolutionnaires ou pré-révolutionnaires se multiplient, de la Colombie au Chili , du Soudan à l’Irak, en passant par l’Algérie. Au plan national, la mobilisation inédite des « bastions » du mouvement ouvrier traditionnel sur les retraites éclate un an après l’explosion de la crise installée sur la durée par les « gilets jaunes ». En dépit de la confusion générale qu’elle exprimait – et des dangers qu’elle recelait – celle-ci a éveillé à la vie politique quelques centaines de milliers de travailleurs.ses qui ont tenus, sur la durée, une occupation de l’espace public, des actions directes et des manifestations de masse – se confrontant avec l’appareil d’état.  Si la masse des travailleurs·euse·s s’est pour l’instant tenue à l’écart de ces mobilisations survenant coup sur coup, celles-ci ont ébréchées le défaitisme généralisé – selon lequel il est impossible de faire reculer le gouvernement ; et, de fait, le gouvernement, fébrile, a reculé sur ses visées initiales – notamment dans des secteurs professionnels particuliers dans lesquels il s’est trouvé des syndicats corporatistes pour tenir des négociations séparées.

Toutefois, pendant que la masse des travailleur·euse·s observent diverses brèches s’ouvrir dans le dispositif du capital, les dizaines de milliers de travailleur·euse·s les plus mobilisé·e·s, ayant participé aux grèves reconductibles ou à toutes les journées d’action, ne peuvent que constater que le gouvernement est décidé à passer en force sur l’essentiel – en dépit de la position de « retrait » énoncée par l’intersyndicale majoritaire, de l’opinion publique, des affrontements avec la police, des blocages, des grèves majoritaires ou minoritaires,  aussi bien que des objections du conseil d’état ou autre corps constitué.

Face à cette détermination de la classe dominante, la répétition de « journées d’action » portant sur la défense des retraites, appuyées sur des « grèves reconductibles là où les salariés le décident », (et encore faut-il qu’ils soient invités à en décider) – c’est à dire la stratégie de l’intersyndicale –  apparaît désormais comme une impasse. Mais la baisse du nombre des manifestant.e.s qui accompagne cette stratégie ne signe pas la fermeture de l’épisode de mobilisation sociale. Le centre de la mobilisation doit se déplacer  à nouveau de « la rue » …vers les entreprises. La richesse des périodes de grèves de masse réside dans le passage incessant de la grève économique à la grève politique, et de la grève politique à la grève économique. 

En réalité, plus la crise politique et sociale s’aggrave, plus les ingrédients d’un cocktail explosif se réunissent peu à peu. Et ce cocktail est prêt à exploser – pour peu qu’existe la volonté d’en allumer la mèche.
D’un côté, des équipes de militant.e.s déterminé.e.s se sont formées – souvent hors frontières de métier et d’appartenance syndicale. Elles sont décidées à poursuivre une agitation de rue coûte que coûte. De l’autre côté, les luttes locales ou sectorielles augmentent à la fois en quantité et en intensité dans les entreprises et les services, parallèlement au mouvement portant sur les retraites.  Ce qu’il faut rechercher, plutôt que l’enlisement démonstratif dans des processions désormais bien balisées, c’est la réunion de ces deux ingrédients.

A titre d’exemple, et au-delà des grèves sectorielles menées sur les retraites dans l’énergie ou, par exemple, aux incinérateurs de déchets parisiens, on peut noter : l’occupation du siège de la direction interdépartementale des routes dans le massif central par les travailleurs en grève illimitée contre une réorganisation ; la grève totale à l’usine Tesseire (Isère) contre un plan de licenciement ; la perturbation des « vœux » des directions dans bien des établissements publics hospitaliers et jusqu’à ceux du ministre des sports. L’ébullition qui traverse notre classe va bien au-delà des frémissements qui s’enregistrent dans la jeunesse des lycées et dans les universités.
A ce stade, ce qu’il manque aux prolétaires, c’est en réalité un plan de bataille pour relier de manière cohérente le particulier (la situation concrète dans les entreprises et les services) au général (la lutte pour défaire le gouvernement) et vice et versa ; les plans de licenciements, les réorganisations incessantes, la charge de travail à l’offensive du pouvoir d’Etat. Et pour envahir les directions d’entreprise … avec la même détermination que sont envahies les permanences LREM et interpellés les députés de la majorité. A cet égard, un réseau coordonné d’instances unitaires d’auto-organisation, à tous les échelons (entreprise, quartier, localité, département, pays), pourrait permettre de « frapper tous ensemble et en même temps », et donner partout aux luttes sectorielles une portée politique générale – plutôt que d’éparpiller l’énergie dans des initiatives désordonnées.  Une telle initiative constituerait un premier pas… vers la grève avec occupation.

Si les appareils syndicaux – aussi bien à l’échelon de la section syndicale d’entreprise que des instances interprofessionnelles – ne peuvent se permettre de donner le sentiment qu’ils freinent la lutte –  ils ne font en réalité rien de déterminant, dans l’essentiel des secteurs, pour qu’elle se développe dans ce sens. A l’inverse, c’est la tâche des gauches syndicales et communistes que d’y pousser.

Il est clair pour chaque travailleur conscient que le mouvement doit marquer un saut qualitatif. Par suite, ce qu’il faut mettre à l’ordre du jour pour apporter une réponse à la hauteur des coups que la classe adverse veut nous infliger, c’est, partout, la grève avec occupation des locaux de travail.

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