Le crime de la misére et la justice du capital

Les prisons du capital ne désemplissent pas. Et on y meurt. Encore le mois dernier, un jeune s’est pendu à Lyon Corbas ; un autre a tenté de mettre le feu à sa cellule pour s’asphyxier. Rien que de très quotidien pour cette maison d’arrêt où la proportion de suicide atteignait 89 pour 10 000 l’an passé, pour une prison anxiogène parmi d’autres prisons anxiogènes.

Aux yeux de ses promoteurs enthousiastes pourtant, Lyon-Corbas à l’image des prisons nouvelles qui lui ont succédé n’était rien de moins que le dispositif de l’humanité en marche ; des rats de Saint-Paul, le passage à l’encellulement individuel dans ce qui rappelait les chambres des hôtels Formule 1 des grands départs en vacances. Autant dire que le mythe n’a pas duré, que la surpopulation comme les anxiolytiques ont fait leur grand retour. Et que les individus passent et repassent entre les couloirs aseptisés des bâtiments neufs, plus seuls et atomisés que jamais. On a écarté les prisons des villes, laissé parler les fantasmes des bureaucraties syndicales des matons sur le standing des prisons cinq étoiles.

Personne ne veut savoir comment on broie des hommes pour assurer le menu maintien de la société capitaliste. Et si on pouvait voir, on verrait que ces prisons, maisons d’arrêt pour courtes peines et présumés innocents, ne sont rien d’autre que le miroir grossissant de l’exclusion, de l’humiliation, de la lutte quotidienne qu’impose et diffuse leur modèle de société.

Dans les cachots, des prolétaires

On aimerait connaître les masses qui peuplent ces prisons. Des prolétaires. La moitié des détenus n’ont pas de diplôme, 46% d’entre eux touchent moins que le RSA (1). Et des jeunes : un quart des détenus ont moins de 25 ans (2). C’est le crime de la misère, c’est la justice du capital. Il faut croire qu’on rencontre rarement des cadres en détention. Parce que les cadres n’ont pas besoin du crime pénalisé. Parce qu’ils ne subissent pas la justice de classe. Quand la seule perspective est l’exploitation salariée, certains deviennent délinquants, c’est dans l’ordre des choses.

Mais il faudra bien renverser cet ordre. Et parce qu’on n’anéantit pas un système en lui conservant ses plus hideux stigmates, il faudra bien abattre enfin les geôles de la misère.

 

(1) Chiffres 2011 de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Lyon
(2) Chiffres au 1er janvier 2012

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